La blockchain est-elle l’avenir de la logistique pétrolière ?
La blockchain a enregistré des succès notables dans les secteurs de la finance, de l’agroalimentaire, ou encore des produits de luxe. Le secteur gazier et pétrolier, qui investit et innove peu en dehors de son cœur de métier historique (exploration et production), pourrait mettre à profit cette technologie, notamment pour simplifier ses processus logistiques, estime Ismail Jabri, consultant Energie & Utilities au CGI Business Consulting.
La blockchain offre plusieurs fonctionnalités propices à l’optimisation de la chaîne logistique. Tout d’abord, il s’agit d’un “registre distribué” infalsifiable, consignant l’ensemble des transactions effectuées entre les utilisateurs, et accessible, à tous et à tout moment. Ensuite, la blockchain peut être publique (ouverte et accessible à n’importe qui) ou privée (restreinte à des utilisateurs identifiés). Enfin, elle offre des fonctionnalités d’automatisation grâce aux smart contracts, des algorithmes qui exécutent des actions selon des conditions préétablies.
Une blockchain privée alimentée par des smart contracts de validation de transactions pourrait ainsi unifier et fluidifier la chaîne logistique des acteurs pétroliers.
“Block supply” ou comment la blockchain peut répondre à la complexité de la logistique pétrolière
Le secteur gazier et pétrolier se distingue par une supply chain particulièrement complexe pour quatre raisons principales :
– Une imbrication forte avec d’autres industries : les entreprises du secteur font appel à des tiers pour une large palette d’activités (ingénierie, stockage, transport, distribution). Cela multiplie les interactions, avec autant de transactions, de procédures, de documents à enregistrer et à adapter ;
– Des acteurs nombreux : une même compagnie pétrolière interagit simultanément avec plusieurs entreprises du même type (services d’ingénierie, de stockage, etc.) ;
– Un secteur résolument transnational : il opère sur des géographies différentes, avec des législations et des exigences variables sur les registres de transactions ;
– Des restructurations fréquentes : à la fois du fait des réorganisations internes, mais surtout du rythme frénétique des fusions ou acquisitions.
Des bénéfices certains pour les acteurs du secteur
C’est précisément dans ce contexte, qui réunit une variété d’acteurs qui, a priori, ne se font pas confiance, et qui doivent régulièrement échanger des actifs consignés par des documents, que la blockchain s’avère pertinente.
Un registre unique dispense d’enregistrer des transactions ou des actions en doublons, isolément, au sein de chaque entreprise. A titre d’exemple, les bons de commande et les listes de colisage ne seraient plus inventoriés par la compagnie pétrolière et le prestataire affréteur, mais sur un registre digital unique.
Les smart contracts, grâce à des règles correctement définies, permettraient d’automatiser la validation de transactions ou d’activités : par exemple, si le baril livré par le prestataire raffineur satisfait certaines conditions de qualité (densité, viscosité, teneur en soufre…), la livraison au canal de distribution est automatiquement validée.
Un registre distribué unique, faisant foi pour l’ensemble des opérateurs, dispense d’un important travail de mise en conformité aux procédures internes et aux législations locales et prévient les litiges.
Des cas d’usage déjà effectifs, mais soumis à conditions
La “block supply” ne relève pas de la pure théorie spéculative. Certaines entreprises du secteur ont déjà développé des plateformes basées sur la blockchain pour gérer leur chaîne logistique :
– BHP Billiton a développé une plateforme pour tracer les achats, livraisons, etc. auprès d’un réseau de fournisseurs ;
– Petroteq Energy a scellé un partenariat avec First Bitcoin Capital pour créer une plateforme blockchain spécialisée Oil & Gas, à destination de l’ensemble du secteur ;
– ConsenSys et Amalto développent Ondiflo, une plateforme permettant d’automatiser le paiement des prestataires dès que les produits ou services sont livrés (cette livraison étant mesurée grâce à des capteurs IoT).
Ces cas d’usage sont néanmoins contraints par ce qui fonde leur attractivité même : puisqu’ils impliquent une multitude d’acteurs, ils nécessitent de remporter l’adhésion, sinon de tous, du moins de partenaires issus de différents mondes. Enfin, la réglementation doit encore évoluer pour reconnaitre la légitimité d’un registre digital.
Source : USINENOUVELLE